
Atelier d’écriture en toute simplicité
Les P'tits Phénix
L'handicap est un monstre qui nous fait prisonnier de notre corps ;
cela peut arriver à tout le monde...


Les torrents de Flo
A quel moment as-tu réalisé que tu étais différente ?
Florence : Depuis mon plus jeune âge, j’entends régulièrement une question posée par l’enfant à sa mère : Pourquoi la fille marche comme ça ?
Aussi, j’ai eu très tôt conscience d’attirer l’attention avec ma démarche particulièrement déhanchée à cause de mes jambes pliées, que je suis heureuse d’avoir en bon état de marche malgré tout.
Comment ont réagi tes proches quand ils ont appris ton handicap ?
Je pense que ça a été un choc d’imaginer l’avenir suite à la constatation de mon handicap quelques mois après ma naissance. Toutefois, deux facteurs ont été déterminants à ce moment-là : le fait de connaître la situation de handicap par une de mes tantes, jeune adulte à cette époque, atteinte de poliomyélite et le soutien familial qui a organisé un relais quotidien autour de mes parents pour me choyer et m’accompagner en séances de kiné pendant mes deux premières années.
Es-tu allée dans une école spécialisée étant petite ?
Je suis allée vers l’âge de 3 ans et demi dans une petite école à Paris. Nous étions tous des enfants atteints d’une infirmité motrice cérébrale de naissance. Ce handicap correspond à un manque d’oxygène dans le cerveau du bébé à cause d’une complication pendant la grossesse ou le plus souvent lors de l’accouchement de la maman, ce qui a pour conséquences des lésions définitives liées au fonctionnement des nerfs et des muscles du corps.
Nos journées étaient organisées autour d’activités de jeux, d’apprentissage et de kiné. J’en ai de très bons souvenirs. Le personnel était très proche des enfants. Je voyais aussi que beaucoup de mes camarades avaient de plus grandes difficultés à marcher et à parler que moi. La majorité d’entre eux était sur un fauteuil roulant et portait des appareillages toute la journée et parfois même la nuit pour maintenir et ne pas déformer leurs petits corps.
Quel a été le regard des autres enfants dans cette école ?
A l’âge de 6 ans et demi, il m’a été proposé d’évoluer dans un nouveau cadre scolaire avec des enfants valides. Trouver la bonne école a été un parcours du combattant pour mes parents car sortir du milieu du handicap nécessite de faire face aux préjugés et de convaincre qu’il ne faut pas avoir peur des difficultés qui peuvent se présenter.
A chaque étape de mon intégration sociale, dans le cadre scolaire puis professionnel, le même scénario s’est déroulé : au départ, beaucoup de timidité et de pudeur de part et d’autre, puis une période d’observation et de questionnement mutuel avant de se fondre peu à peu dans le moule et de pouvoir mener sa petite vie tranquillement.
Mais en général ce cheminement d’intégration est plus rapide auprès des enfants que des adultes car ils « tournent moins autour du pot » pour poser des questions et ensuite le courant passe ou ne passe pas, c’est aussi simple que ça !
Quand tu étais enfant, comment imaginais-tu ton avenir ?
Comme tout enfant, je pensais à ce que j’aimerais faire plus tard : institutrice ou avocate, sans tirer plus de plan sur la comète. Actuellement, je suis employée de Mairie et je travaille chaque jour dans un bureau en contact avec des personnes valides.
De quelle façon as-tu appréhendé ton adolescence ?
L’adolescence a été le moment où j’ai pris conscience des limites du handicap et de ses effets sur ma vie quotidienne : la fatigue, le manque de précision et la lenteur de mes gestes. Cela s’est traduit par le fait de ne pas pouvoir faire les choses facilement comme suivre le rythme des études et en même temps faire du sport ou bouger avec des copains.
Comment as-tu appris à vivre avec ton handicap et grâce a qui ?
En fait, ce sont les étapes de ma vie d’enfant et d’adolescente qui ont forgé, je crois, mon attitude face à mon handicap : me dire qu’heureusement j’ai eu la possibilité de conquérir une part d’autonomie physique et d’intégration sociale me permettant d’occuper mes journées et de rencontrer des personnes handicapées ou valides avec qui je m’entends bien.
Comment vois-tu ton handicap ?
Mon handicap constitue pour moi une caractéristique physique qui me freine dans mon quotidien par la fatigue et par le fait de ne pas être polyvalente dans les tâches de la vie courante. Je ne fais pas de grands projets, je vis au jour le jour.
Quel est le message que tu adresserais à des personnes qui ont du mal à assumer leur handicap ?
C’est vrai que la vie est compliquée lorsque l’on a un handicap car il faut beaucoup d’énergie et de patience pour atteindre ses objectifs. Il est difficile de donner des conseils car chaque individu a son propre vécu mais je crois que malgré les moments de fatigue et de découragement, il faut essayer de prendre du temps pour tout ce qui est nécessaire à rendre la vie plus légère : enfant ou adolescent, bien travailler si possible à l’école permet en partie d’être curieux de ce qui nous entoure, d’avoir confiance en soi et de trouver des pistes pour l’avenir.
En tant qu’adulte, ne pas craindre d’aller vers nos concitoyens, valides et handicapés, pour faire entendre ses coups de gueules et montrer son sourire aussi !
Quel message veux tu faire passer pour que des personnes valides puissent mieux comprendre ce que vivent les personnes handicapés ?
Ce que je voudrais dire aux personnes valides c’est d’être un peu plus attentives à ce qui se passe autour d’elles car dans le cas contraire, beaucoup de malentendus se créent et on assiste parfois à un spectacle édifiant de la bêtise humaine… Y’a du boulot, c’est sûr, mais avec un peu de bonne volonté, on devrait pouvoir y arriver !
Qu’as-tu envie de dire qui te semble important ?
Faisons chacun un petit effort quotidien, à part égale, pour mieux nous comprendre dans nos différences et pratiquons ainsi concrètement la tolérance pour vivre plus heureux ensemble.
Je saisis l’occasion de cet espace d’écriture qui m’est offert pour témoigner d’une situation que j’ai vécue. Je fais partie d’un groupe de théâtre avec des participants handicapés, comme moi, avec béquilles et en fauteuils roulants. Nous devions tous monter sur scène pour faire partager notre plaisir de jouer et proposer un beau petit moment de détente à notre public préféré ! Malheureusement, alors que l’aménagement d’un plan d’accès à la scène de grande hauteur nous avait été promis pour une répétition en condition réelle et pour « le fameux Jour J, nous nous sommes retrouvés devant le Néant complet sans aucun respect pour notre désir de monter sur scène comme tous les participants valides des autres cours de théâtre du centre d’animation où nous répétions ! (Je précise que nous attendons cette rampe d’accès à la scène depuis plus de trois ans.)
Ce ne sera que lorsque ces personnes valides, responsables de ce triste résultat, seront plus attentives à nos efforts, qu’ils seront capables de comprendre le handicap et de dépasser la vision simpliste de personnes « à part ».
Toutes les chartes, toutes les lois, toute les belles paroles et j’en passe, ne seront rien tant qu’on ne prendra pas en compte la réalité de l’handicap
qui n’en est plus un si on nous ouvre les portes de l’épanouissement.
Le chemin est encore long dans le pays des droits de l’homme…
Illustration, photos et propos recueilli par Ciéli